CODETEX : les sciences analytiques au service de la santé des sapeur-pompiers
Nicole Gilon-Delépine, chercheuse à l’Institut des sciences analytiques a reçu un financement de la région AURA pour son projet Booster CODETEX, en partenariat avec deux entreprises, pour optimiser un protocole de décontamination des tenues des sapeurs-pompiers.
De quoi est composée la matière ? Cette question, qui préoccupait déjà Antoine Lavoisier au XVIIIe siècle, on se la pose toujours dans de nombreux laboratoire de recherche.
On sait aujourd’hui que la matière est constituée d’atomes. Il en existe de différentes sortes, répertoriés dans le tableau des éléments périodique, la bible des chimistes initiée par Mendeleïev. Tout l’objet de sciences analytiques est justement de déterminer la présence de ces éléments dans des matériaux plus ou moins complexes. C’est une activité fondamentale de la science moderne et le cœur des activités de recherche de l’Institut des sciences analytiques (ISA), où travaille Nicole Gilon (MC Lyon 1).
« Notre travail consiste à développer les outils analytiques pour répondre à des problématiques concrètes et des besoins particuliers de chercheurs ou d’industriels variés » résume-t-elle. Cette spécialiste des développements de nouvelles spectroscopies basées sur les plasmas a ainsi obtenu un financement de la région AURA/Booster dans le cadre d’un projet né directement d’un besoin industriel sur une problématique de santé : la décontamination des tenues des pompiers.
Nicole Gilon-Delépine. Mesure LIBS (Laser Induced Breakdown Spectroscopy) pour déterminer la composition chimique de matériaux
Tir Laser LIBS sur un échantillon. Au centre de l’image, du plasma est produit par laser
Les sciences analytiques
Aujourd’hui, la décontamination des tenues de pompiers revêt un enjeu important de santé. En intervention, ces tenues de protection retiennent quantités de particules fines potentiellement nocives. Leur caractère très volatile expose l’agent – mais aussi ses pairs – à des risques d’inhalation ou de contact avec la peau lors de l’intervention et pendant le déshabillage. C’est pourquoi la décontamination constitue de plus en plus une étape clé de la prévention des risques. Mais les processus de décontamination restent encore longs et couteux.
D’où l’idée de développer un contener de décontamination rapide, qui soit portable et utilisable directement sur le terrain. Avec un protocole de brossage, l’objectif est d’éliminer les particules fines sans abimer le textile, afin que la tenue soit réutilisable sans danger par les pompiers. C’est dans le cadre de la mise au point d’un tel prototype que deux sociétés, dont l’une spécialisée dans le textile, ont fait appel à Nicole Gilon, par le biais du pôle de compétitivité techterra – dont l’ISA est membre.
Les techniques de spectroscopie laser développées dans l’équipe « Spectrométries Plasma, Couplages et Spéciation » de l’ISA offrent la possibilité d’analyser la présence de particules nocives contenues dans les suies avant et après brossage. Elles ont l’avantage d’être peu invasives, et n’altèrent pas le tissu. Ces développements permettront de valider et optimiser le procédé de brossage. Nicole Gilon et Frédérique Bessueille ont ainsi reçu des échantillons de tenues imprégnées de suies sur lesquelles elles mèneront diverses analyses. Ce qui n’est pas sans poser un certain nombre de défis scientifiques.
Frédérique Bessueille. Mesure Sp-ICP-MS « Single Particle Inductively Coupled Plasma Mass Spectrometry », un type de spectrométrie de masse capable de détecter les métaux et plusieurs non-métaux à des concentrations très faibles
Prélèvement de suspension de particules pour l’analyse SP ICP MS
Sortir la recherche des laboratoires
« Notre travail consiste à capter les particules, en déterminer la composition et la taille, en allant vers des tailles de particules de plus en plus fines – les particules les plus dangereuses pour l’homme », explique Nicole Gilon. Or, les suies sont des mélanges complexes de particules composées elles-mêmes de nombreux éléments plus petits. De plus, l’analyse du carbone – élément constitutif des suies – à partir des techniques de spectrométrie plasma reste peu commune. Pour cette docteure et ingénieure de formation, le volet de recherche fondamentale de ce projet Booster est donc essentiel pour exploiter correctement la technologie sur des matériaux inédits.
Sortir la recherche des laboratoires pour l’apporter sur des terrains variés, en allant vers des technologies davantage portables et intégrées, c’est l’un des axes majeurs des sciences analytiques. Mais pour Nicole Gilon, sa recherche est aussi destinée à investir un autre champ : la formation universitaire. Ainsi, « C’est une véritable satisfaction en tant qu’enseignante-chercheuse de voir nos développements en laboratoire de ces quinze dernières années alimenter les nouvelles formations de nos étudiants », témoigne-t-elle. Et d’ajouter, « c’est la logique en tant qu’enseignante-chercheuse : faire de la recherche et la transmettre ».
Nicole Gilon-Delépine, Maître de conférences à l’université Claude Bernard Lyon 1 et chercheuse à l’ISA
un article par Matthieu Martin/Direction de la recherche et des écoles doctorales de Lyon 1
Laboratoire
Institut des Sciences Analytiques (ISA - Université Claude Bernard Lyon 1/CNRS)