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Nanomics, une chimie plus verte pour la formulation de médicaments

Sandrine Bourgeois

Sandrine Bourgeois, chercheuse au LAGEPP a reçu un financement de la région AURA pour son projet Pack Ambition Recherche Nanomics, dont l'objectif est de développer un procédé d'encapsulation de médicaments durable à partir de nanoparticules lipidiques.

Le développement de nouveaux médicaments fait l’objet d’une recherche foisonnante. Elle est aussi en pleine transformation. A l’espoir de mieux prendre en charge, voire de guérir, des maladies avec des médicaments s’ajoutent de nouvelles exigences sociétales : l’utilisation de composés plus simples et plus sécurisants pour les patients, mais aussi le recours à des procédés de production plus durables et respectueux de l’environnement. Une formule que Sandrine Bourgeois et Stéphanie Briançon, checheuses au LAGEPP, mettent au point en laboratoire dans le cadre du projet Nanomics. L’objectif : développer une méthode d’encapsulation d’un anticancéreux administrable par voie orale à partir de procédés de chimie verte.
 

La barrière intestinale

La voie orale reste la voie d’administration la plus utilisée. Facile d’accès, pratique et plus facilement adaptable au contexte de vie des malades, c’est aussi la voie la plus physiologique. Leur utilisation peut se substituer, dans des maladies comme le cancer, à des traitements plus lourds pour les patients comme la voie intraveineuse.

Dans ce domaine, la recherche pharmaceutique développe une quantité importante de nouveaux principes actifs, la substance dans le médicament qui possède les propriétés thérapeutiques. Pourtant, une large part de ces principes actifs restent inexploitables par voie orale, bloqués ou dégradés par la paroi intestinale. En effet, seules les molécules dotées d’une bonne biodisponibilité pourront la traverser pour entrer dans le système sanguin et atteindre leur cible thérapeutique en quantité suffisante. Or, « environ 60% des molécules découvertes pour une administration par voie orale ont des problèmes de biodisponibilité » explique Sandrine Bourgeois. Et de reconnaitre qu’un large champ d’action reste encore à étudier pour proposer des formes médicamenteuses pour la voie orale de ces nouvelles molécules..

C’est justement l’objet du projet Nanomics : améliorer le passage de la barrière intestinale de principes actifs. Pour se faire, Sandrine Bourgeois et Oksana Lemasson, doctorante au LAGEPP recrutée dans le cadre du projet, travaillent sur un nouveau procédé d’encapsulation basé sur des nanoparticules lipidiques.

Oksana - LAGEPP
Oksana - LAGEPP

Oksana Lemasson, doctorante en première année au LAGEPP, réalise des nanoparticules lipidiques à l'aide d'un Microfluidizer® LM20


Les nanoparticules lipidiques

Les procédés d’encapsulation font partie intégrante de la recherche pharmaceutique. Ces nano-objets sont indispensables pour protéger le principe actif jusqu’à sa cible thérapeutique. A ce titre, les nanoparticules lipidiques constituent un type de capsules doté d’une très bonne biodisponibilité. En effet, les lipides sont des composés naturels de l’organisme et sont de ce fait bien tolérés, contrairement à d’autres types de nanoparticules à base de polymères. Pourtant, ils restent encore très peu exploités dans les formes médicamenteuses en développement.

C’est justement l’une des spécialités de Sandrine Bourgeois au LAGEPP. Depuis quelques années, elle mène ses recherches sur l’encapsulation de molécules dans des nanoparticules lipidiques. Un travail qui n’a pas tardé à intéresser l'industriel SkyePharma.

L’industrie pharmaceutique est hui soumise à des réglementations rigoureuses qui évoluent. Et depuis quelques années, de nouvelles motivations apparaissent. « Dans le choix des ingrédients (excipients), les industriels cherchent de plus en plus à éviter les micro-plastiques, à aller vers des ingrédients plus bio. Ces derniers ont le vent en poupe et il y a une réelle prise en compte des industriels. C’est le cas de l’industrie pharmaceutique, mais aussi cosmétique » note Stéphanie Briançon, directrice du LAGEPP et collaboratrice du projet Nanomics.

C’est aussi l’un des intérêts des nanoparticules lipidiques. Plus faciles à produire – elles ne nécessitent que des lipides et de l’eau –, elles permettent de se passer de l’usage de solvants organiques. Ces derniers, utilisés au cours du procédé de production de médicaments, ne sont aujourd’hui tolérés qu’en infimes quantités par les nouvelles réglementations. Les déchets résiduels produits doivent être rigoureusement éliminés. Un processus lourd et couteux. De plus, « l’utilisation de ces solvants requiert des conditions de sécurité drastiques, vis-à-vis des risques inflammables et explosifs, et d’exposition pour les opérateurs » souligne Stéphanie Briançon. En résumé, le projet Nanomics se base sur un procédé de fabrication des nanoparticules lipidiques sans solvant et transposable à l’échelle industrielle, l’homogénéisation haute pression à chaud.

Projet nanomics
Projet nanomics

Préparation de l’émulsion primaire en vue de sa microfluidisation


Projet nanomics
Projet nanomics

Une fois injectée dans le réservoir du Microfluidizer® LM20, un cycle de microfluidisation transforme l'émulstion en nano-émulsion qui sera ensuite refroidie afin d'obtenir des particules solides.


La recherche à l’écoute des besoins réels

Le procédé de fabrication de nanoparticules lipidiques du projet Nanomics répond ainsi à une demande industrielle mais aussi sociétale d’une chimie plus verte.

Au cours des trois prochaines années, les chercheuses projettent d’apporter la preuve de concept de l’amélioration de la biodisponibilité des médicaments administrés par voie orale grâce aux nanoparticules lipidiques.
« Nous avons sélectionné des anticancéreux pour lesquels nous espérons montrer, par des tests in vivo chez le petit animal, que notre procédé améliore l’efficacité du traitement » précise Sandrine Bourgeois. Et Stéphanie Briançon d’ajouter que « c’est l’une des forces et caractéristiques du LAGEPP : partir du besoin réel exprimé par des industriels, des chercheurs et cliniciens en santé, et traduire ce besoin en enjeu scientifique et technique de formulation et production ».

Sandrine Bourgeois
Sandrine Bourgeois

Oksana Lemasson (à droite) et Sandrine Bourgeois (à gauche)
 


Un article par Matthieu Martin/DRED Lyon 1
Crédits photographies - Éric le Roux/Dircom Lyon 1

Laboratoire

Laboratoire d'Automatique, Génie des Procédés et de Génie Pharmaceutique (LAGEPP - Université Claude Bernard Lyon 1/CNRS)


Publié le 15 mars 2022 Mis à jour le 21 mars 2022