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[Covid-19] Vers une stratégie vaccinale adaptée aux patients immunosupprimés

Dialyse - © HCL

Depuis l’émergence de la Covid-19, Olivier Thaunat, Professeur de néphrologie à la Faculté de médecine Lyon-est de Lyon 1, et son équipe au Centre international de recherche en infectiologie étudient le cas des patients insuffisant rénaux. Aujourd’hui, leurs résultats plaident pour l’administration de doses supplémentaires de vaccins à ces personnes immunosupprimées particulièrement vulnérables.

Depuis un peu plus d’un an, la vaccination contre Covid-19 démontre une très bonne efficacité dans la population générale. Les données scientifiques accumulées au gré des campagnes de vaccination affinent également nos connaissances sur ces vaccins inédits. Effets secondaires, protection à long terme, nécessité d’un rappel vaccinal… Pourtant, alors qu’une troisième dose est administrée depuis le début d’année, certaines personnes restent toujours vulnérables face au virus.

C’est le cas des patients insuffisant rénaux, qui en cas d’infection par le SARS-CoV-2, développent des formes sévères de COVID-19.
 

Hémodialyse et greffe rénale : deux situations d’immunosuppression

L’immunosuppression peut avoir une origine génétique et survenir dès la naissance, être acquise au cours de l’existence suite à une maladie, ou induite volontairement pour des raisons médicales. Parmi les patients présentant une immunosuppression acquise figurent ceux dont la maladie (diabète, hypertension artérielle, maladies immunitaires…etc) a conduit à une perte de fonction des reins. Les reins étant des organes vitaux, il est nécessaire de les remplacer lorsque l’insuffisance rénale atteint un stade terminal. Ceci peut être fait par l’utilisation d’une machine de dialyse à raison de plusieurs séances – en général trois – par semaine. Chez les patients hémodialysés chroniques, le caractère imparfait de l’épuration conduit à l’accumulation de « toxines urémiques » provoquant une dysfonction du système immunitaire.

L’alternative à l’hémodialyse chronique est la transplantation d’un organe fonctionnel provenant d’un donneur génétiquement différent. Si l’épuration des toxines urémiques est plus efficace chez les patients transplantés rénaux, ces derniers doivent recevoir des traitement immunosuppresseurs pour prévenir le rejet du greffon, conduisant à une autre situation d’immunosuppression acquise. En s’appuyant sur une cohorte de patients des Hospices Civils de Lyon, Olivier Thaunat et son équipe au Centre international de recherche en infectiologie (CIRI)1, cherchent à décrypter les mécanismes responsables des déficits immunitaires des insuffisants rénaux hémodialysés et des transplantés rénaux.

Avec l’émergence du SARS-Cov2, la société française de transplantation et l’agence de la biomédecine organisent une réflexion nationale à laquelle prend part Olivier Thaunat. Leurs travaux mettent en évidence la vulnérabilité des deux catégories d’insuffisants rénaux mais pour des raisons différentes. Les hémodialysés chroniques s’infectent davantage en raison de difficultés à respecter les règles de distanciation sociale et le confinement – puisqu’ils doivent se rendre à leurs séances de dialyse. Les transplantés se protègent mieux mais développent des formes plus graves de COVID-19 en cas d’infection.
 

Un schéma vaccinal classique insuffisant

Dès l’arrivée des premiers vaccins à ARN messager, les services de néphrologie s’interrogent donc sur la stratégie à adopter pour protéger à la fois les patients hémodialysés, plus sujet à s’infecter, et les patients transplantés susceptibles de développer des formes sévères.

Bien que l’expérience sur d’autres vaccins ait mis en évidence une réponse vaccinale plus faible, le niveau de protection des vaccins anti-covid au sein de cette population restait inconnu. En 2021, une étude clinique menée aux Hospices civils de Lyon et coordonnée par Olivier Thaunat a apporté de premiers éléments de réponse chez les patients hémodialysés. Les résultats indiquent une réponse défectueuse au schéma de vaccination standard à deux doses de vaccins. Les cliniciens constatent que certains patients vaccinés s’infectent toujours à Covid-19, tandis que des patients ayant survécu à Covid-19 ne se réinfectent pas.

Partant de ces observations, les chercheurs ont saisi l’opportunité de comprendre ce qui différencie les patients vaccinés non-protégés des patients infectés et rétablis. Au sein du service de transplantation, néphrologie et Immunologie Clinique de l’Hôpital Edouard Herriot, les chercheurs ont établi une cohorte de patients hémodialysés. En parallèle, une deuxième cohorte de patients transplantés s'est construite en collaboration avec le Pr Caillard du CHU de Strasbourg.
 

Vers l’utilisation de doses supplémentaires pour les patients insuffisants rénaux ?

A partir de données épidémiologiques issues de ces cohortes et d’une étude des mécanismes immunologiques chez les patients transplantés, les cliniciens chercheurs lyonnais ont identifié les anticorps neutralisants comme le principal corrélât de la protection chez les insuffisants rénaux et notamment les transplantés. Les résultats démontrent que leur génération résulte d’interactions avec les lymphocytes T-B, négativement impactées par les médicaments immunosuppresseurs lors de la vaccination.

Le fait que ces patients généraient bien plus efficacement des anticorps après une infection par le virus – malgré la présence du même traitement immunosuppresseur – a conduit les chercheurs à proposer d’augmenter l’immunogénicité du vaccin en administrant une dose de vaccin supplémentaire. Cette proposition se verra étayée par une étude menée conjointement par l’équipe d’Olivier Thaunat et celle du Pr. Caillard sur des patients transplantés ayant démontré une faible réponse vaccinale à la dose de rappel. Avec l’accord de la Haute autorité de santé, ces derniers ont reçu une troisième puis une quatrième injection de vaccin à ARN messager, avec pour conséquence une réponse immunitaire bien plus satisfaisante.

Cette stratégie est aujourd’hui devenue le standard en France et dans plusieurs pays européens chez les insuffisants rénaux.
 

Vers une prophylaxie personnalisée ?

Les données cliniques et la recherche active de ces deux dernières années affinent nos connaissances vis-à-vis de la vaccination à Covid-19. Cela permet aujourd’hui de proposer une stratégie de protection personnalisée, adaptée aux patients immunodéprimés, avec comme conséquence une évolution positive de leur prise en charge.

« Si l’intensification du schéma vaccinal a permis d’augmenter la proportion des patients insuffisants rénaux protégés des formes graves de COVID-19 en cas d’infection, une proportion non négligeable de transplantés rénaux ne développent pas d’anticorps malgré ces doses vaccinales supplémentaires », rappelle Olivier Thaunat. Ces derniers peuvent désormais bénéficier de l’administration prophylactique d’anticorps monoclonaux, soit avant, soit dans les premiers jours qui suivent l’exposition au virus.

A plus long terme, d’autres solutions pourraient voir le jour. Inspirée par ces deux dernières années, l’équipe Cellules B normales et pathogéniques (NOPAB) dirigée par Olivier Thaunat au CIRI travaille actuellement au développement d’une immunothérapie cellulaire innovante qui permettrait d’induire une protection vaccinale chez les patients transplantés immunosupprimés sans les exposer à un risque de rejet.
 

Contact scientifique :

Olivier Thaunat, Professeur de Néphrologie à l’Université Claude Bernard Lyon 1 et praticien aux Hospices Civils de Lyon.
Service de Transplantation, Néphrologie et Immunologie Clinique de l’Hôpital Edouard Herriot & CIRI
Mail : olivier.thaunat@chu-lyon.fr | tel : 04.72.11.01.70
 

Références :

IMPact of the COVID-19 epidemic on the moRTAlity of kidney transplant recipients and candidates in a French Nationwide registry sTudy
Thaunat O, Legeai C, Anglicheau D, Couzi L, Blancho G, Hazzan M, Pastural M, Savoye E, Bayer F, Morelon E, Le Meur Y, Bastien O, Caillard S; French nationwide Registry of Solid Organ Transplant Recipients with COVID-19.Kidney Int. 2020 Dec;98(6):1568-1577. doi: 10.1016/j.kint.2020.10.008. Epub 2020 Oct 31.

COVID-19 vaccination in kidney transplant recipients.
Caillard S, Thaunat O.Nat Rev Nephrol. 2021 Dec;17(12):785-787. doi: 10.1038/s41581-021-00491-7.

The ROMANOV study found impaired humoral and cellular responses to SARS-CoV-2 mRNA vaccine in virus-unexposed patietns receiving maintenance hemodialysis
M. Espi, X. Charmetant et al, 2021, Kidney International

Infection or a third dose of mRNA vaccine elicits neutralizing antibody responses against SARS-CoV-2 in kidney transplant recipients
X. Charmetant, M. Espi; I. Benotman et al, 2022 Science Translational Medicine

Antibody Response to a Fourth Messenger RNA COVID-19 Vaccine Dose in Kidney Transplant Recipients: A Case SeriesFREE
Sophie Caillard, Olivier Thaunat, Ilies Benotmane et al 2022 Annals of Internal Medicine  

1 Centre international de recherche en infectiologie (CIRI - Université Claude Bernard Lyon 1/CNRS/ENS de Lyon/Inserm)

Publié le 24 février 2022 Mis à jour le 25 février 2022