LabTAU : 40 ans d’innovation ultrasonore au service de la santé
Depuis 40 ans, le Laboratoire des Applications Thérapeutiques des Ultrasons (LabTAU - Université Claude Bernard Lyon 1, INSERM, Centre Léon Bérard) développe à Lyon des thérapies ultrasonores pour traiter cancers, maladies neurologiques ou gynécologiques. Combinant recherche fondamentale, prototypage et essais cliniques, le LabTAU transforme des concepts innovants en solutions médicales, tout en favorisant le transfert industriel et la création de start-up. Son expertise en ultrasons permet au LabTAU d’explorer des traitements personnalisés, la délivrance ciblée de médicaments ou encore de nouvelles techniques comme l’histotritie.
LabTAU story : le laboratoire devenu leader mondial dans la thérapie par ultrasons
Créée en 1985 à Lyon sous le nom d’INSERM U281, puis LabTAU, l’unité s’est rapidement spécialisée dans l’urologie et les ultrasons, avec trois avancées majeures : le doppler, la lithotritie (destruction des calculs rénaux) et le traitement du cancer de la prostate par ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU).
« D’abord développés et utilisés comme outils de diagnostic (échographie et doppler), les ultrasons sont devenus des moyens à part entière pour soigner. Dès les années 90, les ondes de chocs (ultrasons de très forte puissance) ont été utilisées pour fragmenter les calculs rénaux de manière extracorporelle évitant ainsi des milliers d’opérations » explique Dominique Cathignol, premier directeur de l’unité.
À partir de 2001, le laboratoire a renforcé ses bases théoriques et élargi ses applications thérapeutiques, donnant naissance à plusieurs start-ups (Veinsound, Carthera ou EyeTechCare). En 2011, l’INSERM, l’Université Claude Bernard Lyon 1 et le Centre Léon Bérard créent l’unité mixte LabTAU, avec un axe fort en imagerie ultrasonore. Le laboratoire s’intègre alors à deux LabEx : DevWeCan pour le cancer et CeLyA pour l’acoustique.
Depuis 2016, scientifiques et cliniciens du LabTAU explorent une nouvelle piste prometteuse : la cavitation, phénomène où des bulles générées par ultrasons libèrent une énergie localisée, ouvrant la voie à de nouvelles thérapies.
Depuis la lithotritie des années 1980, le LabTAU est devenu un leader mondial, reconnu en 2017 comme centre d’excellence par la FUS Foundation.
Du fondamental aux applications médicales : les 4 axes de recherche du LabTAU
Les recherches du LabTAU se situent à la croisée de la physique, de l’ingénierie ultrasonore et de la santé, avec un objectif clair : concevoir et transférer des dispositifs biomédicaux innovants répondant à des besoins médicaux. Rares au niveau mondial, ses moyens humains et techniques lui permettent de couvrir tout le parcours de la thérapie par ultrasons : de la modélisation à la preuve de concept, du prototype aux essais cliniques, jusqu’au transfert industriel, via la création de start-up ou en partenariat avec des entreprises. Ce continuum s’appuie sur un réseau de partenaires de premier plan, comme les Hospices Civils de Lyon (HCL) ou la société médicale de haute technologie, EDAP-TMS.
Les recherches en ultrasons biomédicaux menés au LabTAU sont orientées vers trois grands domaines de la médecine ‒ le cancer, la gynécologie et les neurosciences ‒ et se structurent en quatre axes.
Observation avec une caméra ultrarapide de la dynamique d’une microbulle, recherche fondamentale permettant de comprendre les interactions des bulles avec leur environnement pour des applications biomédicales.
Ultrasons de haute énergie : de la recherche aux traitements cliniques
Le premier axe de recherche « Ultrasons de haute énergie », thématique historique du LabTAU, débouche aujourd’hui sur des dispositifs cliniques d’envergure comme le Focal One (EDAP-TMS), déjà remboursé en France.
Le LabTAU conçoit ainsi de nouveaux dispositifs, en s’appuyant sur la modélisation numérique, afin de développer des traitements plus ou moins invasifs pour des zones difficiles d’accès, notamment dans les cancers de la prostate, du foie, du pancréas et du sein. Des essais cliniques ont confirmé l’efficacité des ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU) pour le traitement de la prostate, et les dispositifs développés pour les tumeurs hépatiques et pancréatiques permettent une destruction plus précise, sans recours à des systèmes robotisés complexes.
Tests in vitro avec un dispositif ultrasonore torique permettant l’ablation thermique rapide d’un large volume tissulaire.
« Les HIFU permettent de détruire les cellules cancéreuses de façon ciblée, sans incision et avec moins d’effets secondaires. Nous avons été les premiers à utiliser cette technologie pour soigner le cancer de la prostate, grâce à une approche endorectale. Récompensée par le Prix Galien 2016, cette innovation montre qu’une recherche de pointe peut devenir un vrai progrès pour les patients » explique Jean-Yves Chapelon, directeur de l’unité de 2001 à 2015.
Les recherches s’étendent aussi à des indications non oncologiques comme certaines maladies cardiaques, le glaucome ou l’endométriose.
Ultrasons de basse énergie : explorer de nouvelles voies thérapeutiques
Un deuxième axe « Ultrasons de basse énergie » (LEUS) explore des interactions non destructives et réversibles entre ultrasons et tissus vivants.
En neurologie, les LEUS pourraient offrir de nouvelles modalités de stimulation cérébrale profonde, applicables aux handicaps sensoriels (surdité, cécité) ou aux maladies neurodégénératives (Parkinson, Alzheimer). L’enjeu est de développer des techniques peu invasives capables de cibler des régions précises et profondes du cerveau, constituant ainsi une alternative aux stimulations électriques et magnétiques.
Étude in vitro sur cellules neuronales des effets des ultrasons sur l’activité nerveuse.
En ingénierie tissulaire, les LEUS favorisent la création de modèles 3D réalistes pour générer des tissus matures mimant fidèlement l’organe cible. De premiers résultats ont été obtenus pour l’endomètre.
Bulles, cellules et particules : comprendre et exploiter la cavitation pour soigner
L'étude des interactions entre ultrasons, bulles et cellules, en utilisant la cavitation comme agent thérapeutique, est une troisième thématique explorée par le LabTAU. Selon leur activité, les bulles peuvent provoquer sur les tissus biologiques des effets réversibles ou destructifs, comme dans le cas de l’histotritie (liquéfaction de tissus malades). Comprendre ces mécanismes est essentiel pour développer de nouvelles thérapies.
C’est pourquoi, le LabTAU s’intéresse aux phénomènes physiques sous-jacents pour mieux appréhender, par exemple, l’impact des bulles sur le milieu environnant (fluides, cellule…).
Les applications thérapeutiques de la cavitation, comme la délivrance ciblée de médicaments ou de matériel génétique sont également développées, en particulier, l’ouverture de la barrière hémato-encéphalique est étudiée dans le cadre d’une collaboration avec la société Carthera.
Conception d’un dispositif utilisant la cavitation ultrasonore pour faire entrer du matériel génétique dans des cellules en culture.
Onde et instrumentation : associer traitement et imagerie pour des thérapies de précision
Enfin, depuis ses débuts, le LabTAU relève le défi d’associer ultrasons de haute intensité pour traiter et imagerie médicale pour diagnostiquer, cibler et suivre les thérapies. Il se consacre à ces approches, en particulier à l’élastographie, une technique d’imagerie avancée permettant de caractériser l’élasticité des tissus.
L’élastographie, qui analyse la propagation des ondes de cisaillement, sert à détecter précocement certains cancers (sein, foie) et à suivre les traitements HIFU. Le LabTAU a développé une approche originale : l’élastographie passive par corrélation de bruit. Elle exploite les vibrations physiologiques naturelles (flux sanguin, battements cardiaques, activité musculaire) comme sources d’ondes, et peut s’appliquer à toutes les échelles, de l’organe entier à la cellule unique.
Démonstration d’élastographie passive, un échographe enregistre les déplacements produits par les vibrations physiologiques pour déterminer l’élasticité tissulaire.
Dans le traitement du cancer du foie, par exemple, l’élastographie offre un guidage précieux avant, pendant et après la thérapie. Les technologies bimodales associant imagerie et HIFU permettent ainsi de visualiser et traiter simultanément la zone tumorale.
Défis et projets à venir du LabTAU
Depuis 2015, de nouvelles chercheuses et nouveaux chercheurs ont rejoint le laboratoire et des thèmes scientifiques ont émergé, conduisant à la création prochaine de deux équipes au laboratoire.
« Le laboratoire a maintenant atteint une taille critique de 70 personnes avec l’arrivée de cinq chercheurs INSERM ces dernières années. La création de deux équipes vise à promouvoir l’animation scientifique, la carrière des jeunes chercheurs et le lancement de nouveaux projets innovants » précise Cyril Lafon, actuel directeur du LabTAU.
L’équipe DREAM « Development and Research on Elasticity and Acoustics for Medicine » se concentrera ses activités de recherche fondamentale autour de trois orientations principales :
- Poursuivre le développement de l’élastographie passive.
- Approfondir la compréhension de l’oscillation des bulles de gaz afin de mieux contrôler la délivrance ciblée de médicaments par cavitation.
- Relever de nouveaux défis technologiques dans le champ de la neuromodulation et de l’instrumentation.
L’équipe TUNE-UP « Therapeutic Ultrasound for Novel Exploration and User-oriented Practice », quant-à-elle, s’investira dans :
- La médecine personnalisée avec notamment l’adaptation des traitements HIFU du cancer de la prostate et de l’endométriose digestive grâce à des outils numériques de modélisation, prédiction et contrôle.
- L’usage thérapeutique des agents de contraste ultrasonore pour proposer, par exemple, un traitement innovant de la presbytie.
- L’histotritie qui, en cancérologie, permet de réduire rapidement la masse tumorale tout en stimulant le système immunitaire.
© Éric Le Roux / Direction de la communication UCBL


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