Communiqué / Alerte presse


Biodiversité : mieux comprendre les bénéfices évolutifs de l’ADN viral

Le saviez-vous ? Certains virus peuvent devenir des éléments essentiels du cycle de vie de leur hôte. Par exemple, des gènes essentiels au développement du placenta ont été acquis par nos ancêtres mammifères par "transfert horizontal" à partir de virus. Comment cela fonctionne ? Le matériel génétique viral se retrouve intégré au génome de son hôte et s’il confère un avantage évolutif significatif pour ce dernier, une partie de ce matériel sera maintenue à long terme dans le génome de l’hôte : c’est la domestication. Mais ce qui est encore plus remarquable, c'est que des particules virales complètes ont pu être « domestiquées » par un groupe d'insectes très divers qui a inspiré les films Alien : les parasitoïdes, et plus précisément les "endoparasitoïdes", des prédateurs de l'intérieur, des guêpes qui déposent leurs œufs dans le corps d'autres insectes.

En plus de leur précieuse progéniture, les mères "endoparasitoïdes" injectent des particules virales qui font partie intégrante de leur génome depuis des millions d'années. Ces particules virales sont maintenant utilisées comme des armes efficaces contre la réponse immunitaire de l'hôte.

À l'ère de la génomique, il est devenu possible d'évaluer à grande échelle évolutive quelles lignées contiennent effectivement des fragments génomiques issus de l'intégration de matériel génétique viral, voire des gènes viraux "domestiqués". C'est cette approche qu’une équipe du Laboratoire de Biométrie et Biologie Evolutive (LBBE – CNRS / Université Claude Bernard Lyon 1 / VetAgro Sup) a utilisé pour répondre à la question suivante : les intégrations et domestications virales sont-elles plus fréquentes chez les endoparasitoïdes, en comparaison avec d'autres insectes où la lutte contre l'immunité de l'hôte est moins essentielle, c'est-à-dire les parasitoïdes externes ou même leurs cousins libres ? Les résultats, publiés en mai 2023 dans la revue eLife, montrent que la réponse est "oui". L’article montre tout d'abord que si les virus à génome à ARN simple brin sont de loin les plus répandus chez les insectes, ceux à génome à ADN double brin sont intégrés beaucoup plus fréquemment. De plus, le taux d'intégration et, dans une moindre mesure, le taux de domestication par unité de temps, sont plus élevés dans les lignées endoparasitoïdes.
 

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Une femelle parasitoïde (Leptopilina heterotoma) injecte son œuf et des « virus domestiqués » dans le corps de son hôte (ici une larve de drosophile).
Crédit photo : Thibault Andrieux

 

Cette recherche fondamentale a pour objectif premier de comprendre pourquoi la biodiversité est telle qu'elle est, à travers le prisme de son histoire, suivant la théorie de l'évolution. Elle apporte la preuve que les insectes qui se développent dans le corps d'autres insectes, c'est-à-dire dans un environnement hautement nutritif mais aussi hautement antagoniste, ont tendance à accumuler des fragments d'ADN viral dans leur génome. Elle aide ainsi à mieux comprendre les facteurs qui sous-tendent la distribution des intégrations et des domestications virales. Compte tenu de l'importance des virus dans notre propre vie et de l'importance des parasitoïdes en tant qu'agents de "bio-contrôle" contre nos insectes « ennemis », les résultats de cette recherche fondamentale pourraient s'avérer également importante dans une perspective appliquée.
 

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Source

Benjamin Guinet, David Lepetit, Sylvain Charlat, Peter N Buhl, David G Notton, Astrid Cruaud, Jean-Yves Rasplus, Julia Stigenberg, Damien M. de Vienne, Bastien Boussau, Julien Varaldi, Endoparasitoid lifestyle promotes endogenization and domestication of dsDNA viruses, eLife, 2023, https://doi.org/10.7554/eLife.85993
 

Contacts scientifiques

Benjamin Guinet
Doctorant au Laboratoire de Biométrie et Biologie Evolutive
benjamin.guinet@univ-lyon1.fr

Julien Varaldi
Maître de conférences UCBL au Laboratoire de Biométrie et Biologie Evolutive
julien.varaldi@univ-lyon1.fr
 

Contact presse
Béatrice Dias
Directrice de la communication, Université Claude Bernard Lyon 1
04 72 44 79 98 ou 06 76 21 00 92 | beatrice.dias@univ-lyon1.fr

Publié le 5 juin 2023 Mis à jour le 6 juin 2023