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Marianne Métois, anticiper les grands séismes ?

Marianne Métois

Les prédire reste compliqué, mais l'utilisation d'outils de mesure GPS (GNSS) permet de mieux évaluer l'aléa sismique explique Marianne Métois, maîtresse de conférences et récemment récompensée par la médaille de bronze du CNRS.

Tout à coup, la terre se met à trembler. Quelques secondes, quelques minutes. Puis plus rien, ou presque. Après le choc vient l’émoi. De par leur brutalité et leur brièveté, les séismes sont des phénomènes uniques. De tout temps, ils ont bouleversé la vie des sociétés locales. Marianne Métois était présente au Chili, en 2010, après l’un des plus gros séismes de ces dernières années – d’une magnitude de 8,8. Envoyée sur place lors d’une mission post-sismique, elle en garde un souvenir marquant. « C’était mon premier terrain, au cours de ma première année de thèse. On venait pour mesurer le déplacement de la terre suite au séisme. Les dégâts étaient vraiment impressionnants. Le tsunami engendré par le séisme avait rasé des villages entiers », se souvient-t-elle.

Aujourd’hui maitresse de conférences à Lyon 1, son objectif reste le même qu’alors : comprendre les séismes pour mieux les anticiper. Un enjeu qui suscite toujours de fortes attentes sociétales, comme en a témoigné la condamnation en première instance de sismologues italiens qui avait fait suite au séisme d’Aquila en 2009. Mais pourra-t-on un jour prévoir les séismes ? Depuis 40 ans, le discours des scientifiques a évolué.
 

L’expérience de Parkfield, la fin d’un mythe ?

Dans les années 80, des géologues pensaient pouvoir prédire l’émergence de séismes de forte magnitude – supérieure à 6. C’était l’objectif de l’expérience dite de Parkfield, à partir des relevés de l’occurrence des séismes sur la faille de San Andreas. Mais les prédictions se révélèrent erronées – à dix ans près –, marquant la fin du mythe selon lequel on peut prédire les séismes à partir de modèles simples.

Depuis, les géophysiciens ont montré que la répétition des séismes sur une faille peut s’apparenter à un système chaotique. Autrement dit, prédire à quel moment une faille va casser est impossible. Même en connaissant l’histoire géologique d’une faille et certains paramètres physiques du milieu. « Dans la nature, le niveau de complexité est tel, que l’on n’arrivera probablement jamais à connaître assez finement l’histoire de la faille pour prévoir le comportement d’un séisme », reconnait Marianne Métois.

Alors, est-ce la fin de l’histoire ? Pas tout à fait, car l’expérience de Parkfield n’en a pas moins révélé une forme de cyclicité des séismes. C’est justement ce qui intéresse la jeune chercheuse récemment récompensée par la médaille de bronze du CNRS : comprendre ce qu’il se passe aux abords d’une faille avant un séisme, afin de mieux évaluer l’aléa sismique. L’approche a changé : « il ne s’agit pas tant de prédire un séisme à trois jours près, mais d’évaluer la probabilité d’occurrence d’un séisme de tel ou tel magnitude, dans telle ou telle région » résume-t-elle. Pour cela, les scientifiques s’appuient sur une vaste base de données sismiques.
 

L’instrumentation de la Terre

Des séismes, il s’en produit tous les jours à travers le globe. De toutes magnitudes. Cette activité sismique est aujourd’hui scrutée par les scientifiques grâce à des réseaux d’observations internationaux. C’est l’un des aspects essentiels du travail de Marianne Métois : l’installation de balises GPS (GNSS) dans les zones sismiques. Leur analyse permet de quantifier la déformation de la croûte terrestre et de mieux comprendre les mécanismes en jeu dans l’intermède entre deux séismes.

Mais l’instrumentation de la Terre a aussi révélé des déformations associées à d’autres phénomènes physiques. Des phénomènes naturels tels que le mouvement des marées, la dynamique des nappes phréatiques, ou encore l’impact d’activités anthropiques peuvent générer des signaux importants. Ainsi, Marianne Métois et ses collègues au LGL-TPE ont par exemple mis en évidence un affaissement fort associé à une exploitation pétrolière installée en Albanie.

« Les données que la communauté a accumulées avec l’instrumentation de la Terre nous permettent d’analyser énormément de phénomènes qui étaient jusque-là invisibles », souligne la chercheuse. Alors que les changements environnementaux sont de plus visibles, ces données s’avèrent d’autant plus précieuses. Mais pour comprendre ce que contient le signal, l’interaction avec d’autres disciplines est nécessaire. Une composante essentielle en sciences de la Terre, une discipline par essence multidisciplinaire. C’est ce que clame Marianne Métois pour qui la collaboration est au cœur de sa recherche. Un discours qu’elle tient aussi en tant qu’enseignante à l’université.
 

Une expertise de la planète plus que jamais nécessaire

Biologie, mathématiques, physique, chimie… Toutes ces disciplines sont nécessaires pour aborder les sciences de la Terre. Une approche multidisciplinaire qui nécessite davantage de transversalité, pour une discipline dont l’importance ne va faire que s’accroître dans les années à venir. Marianne Métois en est convaincue, même si les sciences de la Terre attirent encore trop peu d’étudiantes et étudiants reconnait-elle. « Avec la multiplication des catastrophes naturelles, nous aurons besoin d’expertises en sciences de la Terre afin de mieux anticiper et gérer les risques ». Et d’ajouter que « les géosciences n’ont pas le monopole de l’étude du système climatique, mais apportent une vision globale des changements climatiques. Nous avons besoin de former davantage d’experts de la planète pour répondre aux défis climatiques et énergétiques ».
 


Un article par Matthieu Martin/DRED Lyon 1


Publié le 23 mai 2022 Mis à jour le 24 mai 2022