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Caroline Demily : une science inclusive sur l’autisme et les troubles du neuro-développement

Caroline Demily

Le Centre iMIND, coordonné par Caroline Demily et Angela Sirigu, a reçu à Lyon le label « Centre d’excellence pour l’autisme et les troubles du neuro-développement ». C’est le premier centre en France à traiter spécifiquement des problématiques des adultes – souvent oubliés des plans autistes – dans une démarche inclusive.

En 1988, le film Rain Man portait sur le grand écran le personnage autiste Raymond Babbitt – interprété par Dustin Hoffman –, mettant en lumière la condition trop souvent méconnue de ces personnes. Depuis, on sait que la réalité autistique recouvre un spectre beaucoup plus large que le seul syndrome Asperger. La recherche commence à cerner le poids génétique dans la maladie, ainsi que les environnements favorisant son développement. Mais aujourd’hui, deux urgences demeurent pour Caroline Demily, Professeure de psychiatrie (Lyon 1/Vinatier) : le diagnostic et l’inclusion des autistes adultes. Selon elle, ces derniers ont longtemps été les « grands oubliés » des plans autismes nationaux.

Le Centre iMIND, créé à Lyon en 2020, fait justement de l’adulte et de la transition enfant-adulte le fer de lance de sa stratégie scientifique pour l’autisme et les troubles du neuro-développement (TND), dans une démarche de science inclusive.
 

Un manque de diagnostic chez les adultes

« L’absence de diagnostic est un vrai coup de fusil dans la vie des personnes autistes et atteintes de troubles du neuro-développement », lance Caroline Demily. Actuellement, un certain nombre d’adultes en difficulté pour aller vers les autres échappent à tout système de soin, et le manque d’accompagnement spécifique ne favorise pas leur inclusion. « Ce sont des personnes qui vont parfois restées confinées chez elles, rencontrer des difficultés sur le plan social, sur le plan familial » témoigne la psychiatre.

En 2010, elle commence à structurer une consultation enfant-adulte autour du syndrome de délétion 22q11. Cette maladie rare se manifeste notamment par des malformations cardiaques et des retards d’apprentissage. Caroline Demily, également chercheuse à l’Institut Marc Jeannerod, se sensibilise peu à peu à la condition des adultes, plus nombreux à être porteurs d’autisme et de TND que les enfants. On estime qu’en France, environ 100 000 jeunes de moins de 20 ans sont autistes, pour 600 000 adultes autistes. Certaines de ces personnes sont prises en charge après la déclaration d’un symptôme psychiatrique – dépression, anxiété. Cela débouche parfois sur une hospitalisation à longue durée, avec des traitements neuroleptiques lourds qui se révèlent malheureusement inadaptés à la problématique des personnes autistes.

Au-delà de la prise en charge médicale, ces personnes souffrent d’un manque de reconnaissance de leurs capacités et de leur citoyenneté. Au cœur de ces questions a notamment émergé au centre iMIND la problématique des parents autistes. En effet, « dans un environnement ne reconnaissant pas les particularités de l’autisme, des mères autistes ont pu être considérées à tort comme mères maltraitantes » relate Caroline Demily. Là encore, le diagnostic doit favoriser le respect de ces personnes dans leurs particularités. Une priorité de santé publique pour l’avenir.
 

L’autisme et les TND chez l’adulte, une spécificité unique à Lyon

En 2019, une politique spécifique à l’adulte s’organise autour du pôle hospitalo-universitaire ADIS (Hôpital Le Vinatier), dont Caroline Demily prend alors la direction. L’objectif : développer pour les adultes un réseau de collaboration entre chercheurs, cliniciens et associations d’usagers. Une démarche fédérative aujourd’hui consacrée par la labellisation « Centre d’excellence pour l’autisme et les troubles du neuro-développement », le seul consacré en France aux questions de l’adulte et de la transition enfant-adulte, en lien avec les Hospices Civils de Lyon. Une spécialité née d’une configuration scientifique et clinique unique à Lyon.

Les enfants atteints d’un trouble du neuro-développement sont pris en charge jusqu’à leur majorité par des services de pédiatrie. Le relais sera ensuite assuré par les services cliniques adultes. A Lyon, cette transition est particulièrement bien organisée entre les Hospices Civils de Lyon et le Vinatier. « Nous avons la chance d’avoir des médecins de l’enfant qui collaborent déjà très bien avec des médecins de l’adulte dans le champ du neuro-développement », explique Caroline Demily.

Le site lyonnais bénéficie aussi d’un regroupement géographique idéal. Les structures cliniques enfant-adulte et les instituts de recherche traitant de cette thématique – l’Institut des sciences cognitives Marc Jeannerod, le Centre de recherche en neurosciences de Lyon – étant réunis sur le site du Vinatier, à proximité également de l’Institut Neuromyogène et des Hospices Civils de Lyon. Un vivier extraordinaire qui prend des allures de campus consacré au neuro-développement.
 

L’inclusion et le handicap, une priorité de santé publique

Cette structuration intervient alors que le nouveau plan national a fait justement du repérage des adultes atteints de troubles du neuro-développement une de ses priorités. Ses coordinatrices Caroline Demily et Angela Sirigu en sont convaincues, l’accès au diagnostic doit davantage se démocratiser. Pour faire émerger cette problématique dans le débat public, le centre iMIND mise notamment sur la recherche et la formation.

La recherche doit en effet s’ouvrir à de nouveaux champs d’investigation. Des questions spécifiques liées par exemple au vieillissement, à la parentalité chez les adultes autistes restent peu abordées dans la littérature scientifique internationale, remarque Angela Sirigu. Le besoin de formation devient également plus prégnant. Longtemps resté l’apanage des psychiatres de l’enfant et de l’adolescent, le diagnostic doit s’ouvrir aux psychiatres de proximité pour adultes. De même, s’il existe des plateformes de coordination et d’orientation dédiées aux enfants autistes, ces dernières restent à développer pour l’adultes.

Une ambition forte, pour répondre à une priorité de santé publique. Cette démarche est notamment soutenue par l’Université Claude Bernard Lyon 1 qui fait du handicap et de l’inclusion un axe fort de sa stratégie de recherche en santé.
 

La science au cœur du soin et de l’inclusion

Aujourd’hui, la science peut nous aider à mieux diagnostiquer à l’aide de nouveaux outils numériques, nous aider à mieux soigner avec une médecine personnalisée et proposer des stratégies d’accompagnement adaptées aux troubles du neuro-développement. Mais la dimension inclusive reste centrale au centre iMIND. Mettre la science au cœur du soin et de l’inclusion, c’est la politique que souhaitent mener ses coordinatrices. « On cherche à inclure cette problématique dans le quotidien des cliniciens, des chercheurs et à davantage impliquer les usagers dans nos programmes scientifiques » explique Caroline Demily. C’est dans cette optique que la psychiatre co-construit un programme de recherche participative autour de la question de la parentalité, avec une association dédiée à l’autisme, deux femmes autistes et une sage-femme.

Faire évoluer les connaissances, les pratiques mais aussi les regards sur l’autisme et les troubles du neuro-développement, c’est en définitive l’objectif du Centre iMIND, afin d’amener la société à s’adapter aux particularités des personnes en situation de handicap, et non l’inverse.

 
Les troubles du neuro-développement

Le neuro-développement recouvre l’ensemble des mécanismes qui, dès le plus jeune âge, et même avant la naissance, structurent la mise en place des réseaux du cerveau impliqués dans la motricité, la vision, l’audition, le langage ou les interactions sociales. Quand le fonctionnement d’un ou plusieurs de ces réseaux est altéré, certains troubles peuvent apparaître : troubles du langage, troubles des apprentissages, difficultés à communiquer ou à interagir avec l’entourage. Il est un processus dynamique, influencé par des facteurs biologiques, génétiques, socioculturels, affectifs, et environnementaux. Il débute très précocement, dès la période anténatale, pour se poursuivre jusqu’à l’âge adulte.
En France, les troubles du neuro-développement touchent 5% de la population générale. Les troubles de l’autisme (TSA) représentent à eux seul environ 1% de la population.

En savoir plus


Pour en savoir plus sur le centre iMIND : https://centre-imind.fr
 

un article par Matthieu Martin/Direction de la recherche et des écoles doctorales


Publié le 24 février 2022