Au CERMEP, l’imagerie révèle la chimie du cerveau
Situé au sein du groupement hospitalier Est des HCL, le CERMEP est le lieu d'une recherche translationnelle pour mieux imager le cerveau et réinventer les médicaments dans le domaine de la neurologie et de la psychiatrie. Luc Zimmer, son directeur, nous ouvre les portes de cette plateforme unique à Lyon.
Scanner TEP, IRM, échographie… l’imagerie médicale est devenu un outil incontournable de la médecine moderne. Aujourd’hui, en quelques dizaines de minutes, les médecins ont accès à l’intérieur du corps pour diagnostiquer toutes sortes de pathologies. Mais derrière ces examens courants et ses images en haute définition, se cache une recherche foisonnante explique Luc Zimmer, directeur du CERMEP, la plateforme d’imagerie du vivant à Lyon (Lyon1/HCL/CNRS/Inserm). « L’imagerie est avant tout un outil, non une fin en soi, pour explorer de manière non-invasive les organismes vivants » résume-t-il. Et dans ce domaine, le CERMEP se place à la pointe des développements en imagerie du cerveau. Pour ce professeur de neuropharmacologie, il s’agit notamment de développer de nouveaux outils afin de rendre visible la chimie du cerveau et réinventer les médicaments le ciblant, en neurologie mais également dans le domaine de la psychiatrie.
Luc Zimmer, directeur du Cermep et Professeur de neuropharmacologie à l'Université Lyon 1 (PUPH - Lyon/HCL)
L’imagerie médicale pour rendre visible la biochimie du cerveau
Jusqu’au XXe siècle, le seul recours du médecin pour observer l’intérieur du corps humain était la dissection. Difficile alors d’envisager étudier des organes vitaux tels que le cœur ou le cerveau directement chez des patients. L’imagerie médicale a changé ce paradigme. Aujourd’hui, un scanner, une échographie, une IRM permettent d’établir en quelques minutes un diagnostic de manière non-invasive, c’est-à-dire sans incision de la peau. L’imagerie est ainsi devenue une des sources d’informations les plus riches sur le patient, permettant d’explorer le corps humain dans ses moindres recoins.
A la fin des années 80, le professeur René Mornex, entouré de neurologues et chercheurs du groupement hospitalier Est des Hospices civils de Lyon, entrevoit son potentiel pour étudier le cerveau. La plateforme du CERMEP voit alors le jour, l’une des premières en France. L’objectif initial : utiliser l’imagerie radioactive pour mieux comprendre le cerveau et les pathologies qui l’affectent. Trente ans après, la plateforme est devenue un véritable lieu de mise au point de nouveaux outils pour l’imagerie du cerveau. « Nos activités vont de la conception de nouvelles molécules radioactives aux essais sur le modèle animal et l’Homme, avec l’idée de mieux rendre visible la biochimie du cerveau » résume son directeur Luc Zimmer.
Un des domaines privilégiés que ses équipes ont investi ces dernières années : les maladies psychiatriques.
Examen par tomographie par émission de positons (TEP). Franck Lavenne, ingénieur d’étude, positionnant un volontaire se prêtant à la recherche biomédicale
L’imagerie pour aider à réinventer les médicaments du cerveau
Dépression, addictions, schizophrénie, troubles bipolaires… les maladies psychiatriques couvrent un large spectre de troubles. Environ 20% de la population française est concernée par une atteinte psychiatrique au cours de sa vie. Les personnes touchées éprouvent généralement des difficultés plus ou moins grandes à s’adapter aux circonstances de la vie quotidienne et de véritables souffrances, souvent mésestimées. S’il existe des médicaments pour limiter les manifestations de ces maladies, leurs effets secondaires restent importants et leur efficacité très limitée pour une partie de la population.
Or, la recherche dans ce domaine manque encore d’investissements et de moyens, les maladies psychiatriques restant encore méconnues, voire stigmatisées souligne Luc Zimmer. « Si pour certaines pathologies neurologiques, des traitements innovants émergent ces dernières années, il y a un manque criant en psychiatrie. Les médicaments utilisés ont été peu renouvelés depuis cinquante ans ».
Mais ce professeur de neuropharmacologie en est convaincu, l’imagerie médicale peut justement aider à inventer de nouveaux médicaments du cerveau, davantage précis et personnalisés pour les patients. Dans cette optique, le CERMEP bénéficie de tout le circuit pharmaceutique – du cyclotron jusqu’à l’essai clinique – pour la mise au point de nouvelles molécules radioactives injectables à l’Homme, appelés radiopharmaceutiques, qui permettront de visualiser des cibles cérébrales. La plateforme s’appuie pour cela sur un environnement très propice. Implantée au cœur des Hospices civils de Lyon, elle intègre des ingénieurs, des chercheurs et des praticiens de nombreuses disciplines, ainsi que des d’équipes industrielles de R&D, dont deux sont installées au CERMEP
« À travers cette recherche translationnelle, soutenue par l’Université Lyon 1 et les HCL, nous souhaitons faire du CERMEP un site de preuve de concept des nouveaux médicaments grâce à l’imagerie du cerveau », ajoute Luc Zimmer.
C’est d’ailleurs dans cette optique que le CERMEP accueille en 2022 une nouvelle équipe de l’Inria – rattachée également à Lyon 1 et aux HCL – spécialisée en bio-informatique appliquée à la Santé.
Première image cérébrale obtenue avec un radiopharmaceutique inventé au CERMEP
L’apport des big datas à l’imagerie médicale et à la neuropharmacologie
L’imagerie du cerveau fait appel à différentes technologies (approche dite multimodale avec TEP, IRM, scanner X, ultrasons, MEG….) qui génèrent énormément de données très diverses. De l’échelle moléculaire à l’échelle intégrée et fonctionnelle du cerveau en activité, chez le modèle animal et le patient, il n’est pas aisé de mettre en relation ces différentes sources de données. De plus, la complexité du cerveau rend très difficile la modélisation des phénomènes neuronaux associés à l’action d’un médicament. À l’aide de l’intelligence artificielle et d’outils informatiques de modélisation, c’est justement toute la force de la modélisation que vont apporter cette nouvelle équipe et la communauté Inria.
La création de cette nouvelle équipe au sein du CERMEP coïncide avec le lancement d’un pôle Intelligence Artificielle aux HCL et avec l’inauguration récente du Centre Inria de Lyon. Le CERMEP sera peut-être la première pépite de ce nouveau pôle ? Mais ce projet reste avant tout pour Luc Zimmer la rencontre des bonnes personnes, au bon endroit et au bon moment : « Les rencontres d’individus de disciplines différentes, avec leurs interactions intellectuelles mais également amicales, sont souvent au départ des belles aventures scientifiques ».
Retour en images
Toutes les étapes du circuit d’élaboration de nouvelles molécules pour l’imagerie médicale sont réalisées au CERMEP. D’abord, la génération d’atomes radioactifs dans un cyclotron enfermé dans une casemate blindée et contrôlé par Christian Tourvieille, ingénieur d’études
La demi-vie des isotopes radioactifs est très courte. S’engage alors une course contre la montre avec l’objectif de produire la molécule radioactive et l’injecter à l’Homme en moins de deux heures…
Une fois générés, les isotopes radioactifs sont transférés dans des cellules blindées. Frédéric Bonnefoi, ingénieur d’études, vérifie les systèmes automatisés assurant les réactions radiochimiques pour fabriquer le futur radiopharmaceutique.
La molécule obtenue sera ensuite contrôlée par l’un des radiopharmaciens du CERMEP (Didier Le Bars, MCU-PH) pour vérifier leur qualité pharmaceutique, préalablement à toute injection à l’Homme
… avant d’être préparée sous la forme injectable qui sera administrée par voie intraveineuse dans l’un des scanners TEP du CERMEP.
Radioactivité, chimie, pharmacologie, neurobiologie expérimentale, essais chez l’homme… Le CERMEP est l’un de rare endroit en France à regrouper autant de personnels formés aux contraintes réglementaires associées à ces activités de recherche biomédicale. Sophie Lancelot, radiopharmacienne MCU-PH, s’apprêtant à entrer en salle blanche pour la préparation d’une seringue de radiopharmaceutique.
Une fois contrôlées, ces molécules radiopharmaceutiques sont également utilisées en laboratoire chez des modèles animaux de maladies neurologiques ou psychiatriques… (Caroline Bouillot, assistante ingénieure en charge de la caméra microTEP)
Différentes technologies d’imagerie cérébrale sont utilisées au CERMEP, dans une perspective à la fois multimodale et translationnelle (Benjamin Vidal, pharmacien chercheur chez Theranexus et Marco Valdebenito, assistant ingénieur).
Enfin, elles sont testées chez l’homme, d’abord des volontaires dit sains, avant de passer à l’essai clinique mené chez des patients se prêtant à la recherche, si le radiopharmaceutique se révèle prometteur.
Un article par Matthieu Martin/DRED Lyon 1
Crédits photographies - © Éric le Roux/Dircom Lyon 1
Contact
Luc Zimmer, Directeur du CERMEP et PUPH (Lyon 1/HCL)luc.zimmer@univ-lyon1.fr