Première lumière de 4MOST, le cosmographe nouvelle génération
L’instrument 4MOST, installé au Chili sur le télescope VISTA de l’Observatoire européen austral (ESO), et développé en grande partie par des équipes du CNRS, de l’Université Claude Bernard Lyon 1 et de l’ENS de Lyon, vient d’obtenir sa première lumière. Ce premier rayon de lumière venu de l’espace et analysé par les spectrographes de l’instrument marque le début d’une grande aventure d’étude et de cartographie du ciel : grâce à sa technologie de pointe, 4MOST peut étudier la lumière de 2400 objets célestes simultanément ; et cela tous les quarts d’heure.
Un instrument pour cartographier l’Univers à une vitesse record
Le 18 octobre 2025, l’instrument 4MOST (4-Metre Multi-Object Spectroscopic Telescope), installé sur le télescope VISTA de l’Observatoire européen austral (ESO) dans le désert d’Atacama au Chili, a obtenu sa première lumière sur le ciel (fig. 1). Cette première lumière n’est pas une simple image de l’espace : 4MOST enregistre des spectres, c’est-à-dire qu’il capture la lumière des objets célestes dans toutes les longueurs d’onde — les couleurs — de l’ultraviolet à l’infrarouge. Il peut ainsi, grâce à des fibres optiques indépendantes, observer simultanément 2436 objets célestes dans 18 000 longueurs d’onde.
En développement depuis 2010 et prévu pour être opérationnel au moins quinze ans, les trois spectrographes de 4MOST permettront aux astronomes d’étudier de nombreux champs de recherche allant de la composition des étoiles à la matière noire et l’énergie sombre. L’analyse des spectres de milliers d’objets toutes les 10 à 20 minutes, permettra de cataloguer les températures, compositions chimiques, déplacements et distances de dizaines de millions d’astres dans le ciel de l’hémisphère Sud.
4MOST est le plus grand spectrographe multi-objets de l’hémisphère Sud. Son large champ de vue (cinq fois plus grand que la Lune), son nombre de sources simultanées et le niveau de détail de ses spectres en font un instrument unique au monde.
Une importante contribution française
La France et le CNRS ont joué une part importante dans le développement de cet instrument européen : deux de ses trois spectrographes ont été réalisés par le Centre de recherche astrophysique de Lyon (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/ENS de Lyon).
Ces deux spectrographes identiques dits « de basse résolution » (LRS en anglais pour Low Resolution Spectrograph) sont essentiels dans la mission de 4MOST en assurant une couverture continue des longueurs d’onde de 370 à 950 nm. Le troisième, dit de « haute résolution », peut faire des spectres détaillés dans trois bandes spectrales plus étroites. Ces spectrographes, reliés chacun à 812 fibres optiques de l’épaisseur d’un cheveu, permettront de réaliser de grands sondages du ciel, faisant de VISTA — avec son miroir de 4 mètres — le plus grand télescope au monde dédié à ce type de recherche.
L’équipe française regroupe une quinzaine d’ingénieurs, de techniciens et de chercheurs qui ont participé depuis 2014 à la conception, à l’assemblage et aux tests des spectrographes jusqu’à leur mise en place sur le télescope cet été. « 4MOST a été une aventure humaine et technique exceptionnelle, témoigne Florence Laurent, ingénieure en optique du CNRS. Porté par des équipes internationales aux talents complémentaires réparties sur plusieurs sites, ce projet illustre la puissance d’un effort collectif uni par une ambition commune : la science. » L’instrument est attendu avec impatience par toute la communauté astrophysique comme l’explique Johan Richard, astronome dans le même laboratoire : « Il va décupler notre capacité à cartographier de grandes régions du ciel. La quantité de mesures physiques que l’on va obtenir sur des objets aussi distants est vraiment impressionnante ! ».
Une première lumière pleine de promesses
La première lumière de 4MOST montre tout le potentiel de l’instrument, capable d’observer un large champ tout en pouvant analyser simultanément plusieurs milliers d’objets astronomiques (fig. 2).
Parmi les observations les plus remarquables figurent la galaxie du Sculpteur (NGC253), la plus grande du ciel austral après les deux nuages de Magellan. Son diamètre apparent équivaut à celui de la Lune mais sa luminosité plus ténue la rend beaucoup moins visible.
Autre objet observé : l’amas globulaire NGC 288, vieux de plus de 13 milliards d’années, lors de la naissance de la Voie Lactée, est composé d’environ 100 000 étoiles pauvres en éléments plus lourds que l’hydrogène ou l’hélium.
Au total, les spectres de plus de 2000 autres sources ont aussi été analysés (fig. 3). Parmi celles-ci, des étoiles de notre galaxie dont on connait maintenant la température, la masse, le diamètre, la vélocité, l’âge et la composition chimique. 4MOST a réalisé simultanément les spectres de plus de 100 galaxies, distantes jusqu’à 10 milliards d’années-lumière pour évaluer leur distance, leur mouvement, leur évolution et leurs trous noirs centraux.
Plus de 700 personnes venant d’universités et d’organismes de recherche du monde entier travailleront désormais avec 4MOST. 25 programmes scientifiques, impliquant plusieurs laboratoires de recherche du CNRS et de ses partenaires, sont déjà en place pour les cinq prochaines années.
Figure 1 : Le télescope VISTA sur lequel est installé l’instrument 4MOST. Image : Allar Saviauk / AIP
Figure 2 : La région ciblée pour les premières observations de 4MOST comprend la galaxie du Sculpteur (dans le quart supérieur droit de l’image) et l’amas globulaire NGC288, un groupe dense d’environ 100 000 étoiles situé en périphérie de notre galaxie (quart inférieur gauche). Image : Harshwardhan Pathak
Figure 3 : La première lumière scientifique de 4MOST. Les lignes bleues dessinent les limites du champ de vue de l’instrument. Chaque point représente un objet céleste dont la lumière a été captée par les fibres optiques de l’instrument et dont le spectre a été analysé. Les couleurs des points représentent les types d’objets : en vert, les galaxies en arrière-plan ; en rouge, les nébuleuses planétaires ; en jaune les étoiles brillantes ; etc. Un spectre a été obtenu pour chacun de ces points. Leur analyse permet d’avoir des informations sur la température, la composition, la vitesse, la masse ou encore la distance de ces objets. Deux exemples de spectre aux profils différents illustrent l’image. Celui issu de l’amas globulaire, par exemple, montre que ses étoiles sont pauvres en beaucoup d’éléments chimiques, ce qui indique une formation très ancienne. Image : Roelof de Jong / AIP ; Jens-Kristian Krogager / CRAL ; image de fond : Harshwardhan Pathak / Telescope Live
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