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Femmes dans le football : une expertise Lyon 1

C’est une expertise assise sur près de 20 ans de recherches et encore trop peu connue. À l’Université Claude Bernard Lyon 1 se développe un ambitieux champ de recherche sur le sport, dont un des axes forts est l’attention portée aux rapports sociaux de sexe (les études de genre) dans les pratiques, les représentations et les institutions sportives. Ces thématiques sont principalement développées par le Laboratoire sur les Vulnérabilités et l’Innovation dans le Sport (L-VIS) avec une approche pluridisciplinaire en sciences humaines et sociales (SHS).

En résonnance avec la 8e Coupe du Monde féminine de la FIFA, un colloque pluridisciplinaire qui a regroupé en juin 2019 des chercheuses et chercheurs internationaux sur le thème du « Football par et pour les femmes » a montré le dynamisme de cette recherche : « Sur ce sujet relativement pointu, nous avons réuni jusqu’à 120 personnes pendant deux jours et demi », se réjouit Cécile Ottogalli-Mazzacavallo, du Laboratoire L-Vis.

Un lien fort de la recherche et du terrain

L’originalité de cette rencontre, co-organisée par les laboratoires L-Vis et LIBM en partenariat avec l’Association des Chercheurs Francophones sur le Football, est d’avoir interpellée la question des conditions de production des performances des femmes dans le monde du football sous l’angle des  sciences de la Vie (biomécanique, physiologie, médecine du sport avec la présence de l’un des médecins de l’Olympique Lyonnais) et des sciences humaines et sociales (histoire, économie, sociologie, psychologie sociale). Plus de 60 communications pour articuler « savoirs savants » et « savoirs de terrain » autour de l’impact du sexe sur les formes de pratiques, d’encadrement et de gouvernance du football par et pour les femmes.

Cette attention aux questions de genre est un marqueur fort de la démarche lyonnaise : en 1996 était organisé le premier colloque sur ce qu’on nommait encore le « football féminin » et en 2004, Laurence Prudhomme Poncet soutenait la première thèse française sur le « football féminin ». Le L-VIS, qui s’appelait alors le CRIS, compte parmi ses anciens directeurs l’actuel délégué ministériel pour les JOP de 2024, Thierry Terret. Aux côtés de Cécile Ottogalli-Mazzacavallo, de multiples angles sont explorés par des chercheur.e.s au nombre desquels Philippe Liotard, l’actuel chargé de mission Égalité & Diversité de Lyon 1, sur des sujets allant de l’homophobie dans le sport à une étude d’impact social de la Coupe du Monde femmes de la FIFA sur les engagements sportifs en faveur des femmes, sur les représentations de la population à l’égard des sportives et sur les politiques publiques territoriales dans la promotion des sports pour les femmes.

Quand la recherche précède la société

Le colloque a permis de dresser un état des lieux de la situation des femmes dans la pratique du football, marqué par un déficit significatif d’attention, de moyens et de considérations. « Ce constat, valable tous pays confondus, peut s’expliquer par trois formes d’inégalités à l’oeuvre », résume Cécile Ottogalli-Mazzacavallo, « des inégalités d’accès aux institutions et aux compétitions, des inégalités de traitement et de moyens, et enfin des inégalités de reconnaissance.» Pour illustrer cela, rappelons qu’en France, seule trois équipes de Ligue A sont « professionnelles » (Paris Saint-Germain, Olympique Lyonnais et Montpellier Hérault Sport Club)… c’est-à-dire sous contrats fédéraux, ce qui est très différent de leurs homologues masculins. Et ces inégalités « font système, s’entretiennent les unes les autres », note encore la chercheure du L-VIS.

Les différents travaux ont ainsi décrypté les mécanismes du système de genre, à travers lequel hommes et femmes sportives sont séparés, différenciés et hiérarchisés. Mais ils ont aussi permis de souligner  « à quel point les choses sont en train de changer ».

Le colloque a ainsi joué comme une caisse de résonnance du phénomène de conscientisation et de diffusion des expériences, à travers les réseaux sociaux notamment, et qui vient porter à l’attention du grand public ce que les travaux universitaires analysent depuis une vingtaine d’années, des inégalités de revenus en passant par les violences.

Une « diffusion de la parole » qui laisse espérer que le choses évoluent. Un acteur du changement pourrait bien être le Master Egal’Aps, parcours de Master unique en France ouvert à Lyon 1 en 2018, et qui forme, depuis 2016, des spécialistes de l’égalité des sexes et des sexualités dans le monde sportif.

 Crédits photo : Jeffrey F Lin on Unsplash


Publié le 3 septembre 2019 Mis à jour le 4 septembre 2019