David Lopes : « On est tous le produit d’une socialisation »
David Lopes a reçu le premier prix du jury de Ma thèse en 180 secondes lors de la finale locale à Lyon pour sa thèse mêlant genre, sport et sociologie. Découvrez son parcours de doctorant atypique.
Le 19 mars 2024, David Lopes, doctorant au Laboratoire sur les Vulnérabilités et l’Innovation dans le Sport (L-ViS), a remporté le premier prix de la finale locale de Ma thèse en 180 secondes. Sa prestation lors de la présentation de sa thèse dédiée à l’étude de « l'impact des stéréotypes de genre sur la socialisation des hommes qui font un sport dit "de fille", exemple du twirling bâton », a séduit le jury de l’épreuve. Il se livre dans cet entretien sur son travail et son quotidien de doctorant atypique.
Comment en es-tu venu à la thèse ?
David Lopes : j’ai un parcours un peu atypique. J’ai eu une grosse coupure après mes premières années en physique-chimie à l’UCBL. J’ai arrêté mes études et je suis entré dans le monde du travail. D’abord dans la jeunesse puis, de fil en aiguille, dans le milieu du sport où j’ai travaillé pendant 10 ans. Puis j’ai réalisé un projet personnel : faire le tour du monde.
Pendant un séjour au Japon – qui est la nation-maitre du twirling –, j’ai constaté que les garçons qui font du twirling n’ont pas les mêmes difficultés ou problématiques que j’ai rencontrées en France lorsque je pratiquais le twirling. Au retour de ce voyage, j’ai eu envie de comprendre un peu plus ce qu’il se passait, avec l’idée de faire un projet de recherche sur ce sujet. J’ai alors fait un Master en management du sport à Paris avant de venir à Lyon pour ma thèse.
Ta thèse en 180 mots ?
J’étudie l’impact qu’ont les stéréotypes de genre sur la socialisation des hommes qui font un sport dit de « fille », avec l’exemple du twirling bâton, un sport pratiqué à 92% par des filles. Il s’agit aussi de voir comment les garçons qui pratiquent ce sport le vivent au quotidien.
Ce que tu préfères dans ton travail de recherche ?
Aller sur le terrain et récolter des données à travers différents outils de la recherche en SHS. J’ai notamment fait des entretiens avec des garçons qui pratiquent le twirling. Je suis aussi allé dans des collèges interroger des ados qui ne connaissent pas le twirling pour essayer de comprendre leurs éléments de langage sur ce qu’est un sport de fille, un sport de garçon ; ce qui les interpelle lorsqu’un homme transgresse les normes de genres. C’était des bons moments, même si parfois ça peut être un peu dur d’entendre leurs discours, mais c’est notre travail de chercheur de rester neutre face à ça.
Un lieu idéal pour travailler ?
Même si je passe beaucoup de temps sur le terrain, le laboratoire reste pour moi un endroit indispensable. C’est un endroit de socialisation avec les autres doctorants et chercheurs. Ça nous permet de discuter, d’échanger et d’avancer.
Complète : quand on cherche, on…
...ne trouve pas toujours, mais quand on teste on explore !
Ce que tu aimerais qu’on retienne de ta thèse :
On est tous le produit d’une socialisation. Un processus qui nous formate parce que des agents de socialisation (la famille, l’école, les amis, les médias…) nous transmettent des façons de penser, de faire. J’aimerais que l’on retienne qu’on a le droit de questionner ces représentations que l’on nous a enseignées. À l’image du twirling qui est vu comme un sport féminin, et de se demander : pourquoi c’est féminin, et est-ce que ça pose problème qu’un homme pratique le twirling ?
As-tu des hobbies, des passions en dehors de la thèse ?
Finalement, c’est peut-être la thèse mon hobby. Car en dehors de la thèse, je travaille comme directeur adjoint aux sports à la ville de Vénissieux. Sinon, le twirling reste aussi un loisir. Je ne pratique plus mais je suis engagé dans des associations et j’entraîne des jeunes qui pratiquent le twirling.
Un livre, un film, une série, une musique pour illustrer ta thèse ?
J’ai découvert, peut-être un peu tard, la socialisation de Muriel Darmon. Ce livre explique ce qu’est la socialisation. Ça a été un déclic dans mon travail. Ça m’a permis de remettre en perspective des choses que je voyais sur le terrain et que j’avais du mal à formaliser, à organiser. Ce livre m’a donné des clés.
Et ton état d’esprit à la sortie de la finale locale ?
J’ai toujours un peu de mal à comprendre tout ce qui est en train de se passer, avec l’aura médiatique que confère Ma thèse en 180 secondes. Mais c’est plutôt valorisant de parler de son travail de recherche. Et l’aventure a vraiment été sympa. J’ai rencontré des gens très ouverts le jour de la finale lyonnaise. Il y avait une bonne ambiance entre finalistes, beaucoup d’entraide.
La vie après la thèse, tu l’imagines comment ?
Je n’ai pas l’ambition de continuer dans le milieu académique. Mon travail dans les politiques publiques et sur le terrain est vraiment quelque chose qui me plaît. Mais pourquoi pas rester un chercheur associé au L-VIS et continuer mes recherches sur cette thématique du genre, du sport, de la socialisation, qui me passionnent également.
Et est-ce que ton travail de recherche te sert dans ton milieu professionnel ?
Je pense que la fonction publique territoriale est en attente de la recherche académique, justement pour questionner les politiques publiques. Par exemple, comment faire évoluer la pratique sportive féminine ? Dans l’utilisation des espaces publics, il y a ces questions de genre, d’accès à la pratique sportives pour les publics éloignés. Toutes ces notions théoriques qu’on développe dans un cadre de recherche nous servent aussi à construire, innover, imaginer de nouvelles actions à mettre en place au quotidien, à destination des administrés. Et cette gymnastique là est très stimulante.
Publié le 26 mars 2024–Mis à jour le 5 avril 2024
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