Publication scientifique


La composition protéique des pièces buccales du puceron déchiffrée

Une équipe de recherche impliquant des membres du laboratoire MAP (Université Claude Bernard Lyon 1 / INSA Lyon / CNRS) [1] a déchiffré pour la première fois la composition protéique de la cuticule des pièces buccales d’un insecte, qui porte les récepteurs de nombreux virus végétaux. Ces travaux sont publiés dans la revue iScience.



La cuticule des insectes est un assemblage complexe de protéines ayant une fonction dans la reconnaissance des micro-organismes. Les pièces buccales d’un insecte portent notamment les récepteurs de nombreux virus végétaux. Sa composition s’avère complexe et l’étude a permis d’identifier une nouvelle catégorie de protéines cuticulaires. Il s’agit d’une étape clef dans la compréhension des structures cuticulaires, base de la diversité morphologique des arthropodes.
 

Le stylet, un matériau composite complexe

Les insectes ont développé des cuticules de formes et de fonctions souvent extraordinaires ou intrigantes, parfois bien spécifiques, qui comprennent par exemple des microstructures régissant leurs interactions avec les microbes qu’ils transmettent. C’est en particulier le cas dans les pièces buccales des insectes piqueurs comme les pucerons, qui hébergent des récepteurs de virus au sein d’une microstructure appelée acrostyle, située à la pointe des stylets. Les scientifiques dévoilent dans cette étude la première analyse transcriptomique profonde d'une glande secrétant une cuticule de pièces buccales d’insectes.

Grâce à des techniques génomiques quantitatives, l’étude définit les stylets comme un matériau composite complexe, comportant plus de 60 protéines majeures. Bien plus que dans d'autres structures comparables chez d’autres insectes. 
 

Etudier les stylets pour mieux comprendre la transmission des virus

Le transcriptome de cet organe a également permis à l’équipe de recherche de proposer une définition algorithmique pour une nouvelle famille de protéines cuticulaires (CP) caractérisée par une faible complexité et une composition en acides aminés fortement biaisée. Il semblerait que ces protéines soient codées dans tous les génomes d’insectes, en faisant une nouvelle classe d’importance numérique à peu près égale aux autres classes qui étaient connues jusqu’ici. 

Enfin, les scientifiques ont identifié un gène différentiellement exprimé entre les deux types de glandes de cet organe, les glandes maxillaires et mandibulaires. Ce gène code pour un précurseur d’un neuropeptide, qui caractérise les glandes mandibulaires. L'injection dans les pucerons d’un mélange des trois peptides synthétiques prédits PK1/2/3, un jour avant l'ecdysie (épisode de la mue définissant le décollement de l’ancienne cuticule), provoque un phénotype létal et spécifique. Il en résulte une formation altérée de la tête, voire une quasi absence chez certains des pucerons traités.

Cette étude fournit la description la plus complète à ce jour de la composition protéique des stylets de pucerons. Elle devrait améliorer la compréhension de la transmission des virus non-persistants, les plus nuisibles en situation agronomique, qui s’accrochent et se décrochent des stylets durant la transmission. Les gènes et protéines candidats identifiés vont pouvoir être triés un à un par immunocytochimie (marquages par anticorps spécifiques) pour leur affleurement dans la zone de l’acrostyle. Ils sont alors définis comme stylines, et leur rôle dans la transmission virale peut être testé pour acquérir le statut de récepteur viral : ils seraient alors les premiers récepteurs viraux formellement identifiés.

[1] Laboratoire Microbiologie, adaptation et pathogènie

Référence

Guschinskaya et al. Insect Mouthpart Transcriptome Unveils Extension of Cuticular Protein Repertoire and Complex Organization, iScience (2020)

Cet article fait aussi l'objet d'une reprise de brèves sur le site Web de l'INRAE

Publié le 14 février 2020 Mis à jour le 15 juillet 2021