Une nouvelle étude réalisée au Centre de recherche en neurosciences de Lyon confirme que s'exposer davantage à la lumière naturelle permettrait d'éviter les troubles du sommeil, plus fréquents avec le vieillissement.
Un adulte français sur trois serait concerné par un trouble du sommeil. La prévalence de ces troubles augmente avec le vieillissement mais les mécanismes biologiques à l’œuvre sont assez méconnus, laissant planer le doute sur leur origine. Dans une nouvelle étude, Claude Gronfier, chercheur Inserm, et son équipe au Centre de recherche en neurosciences de Lyon (Inserm/CNRS/Université Claude-Bernard Lyon 1) ont émis l’hypothèse que leur apparition lors du vieillissement était liée à une désynchronisation de l’horloge biologique due à une baisse de perception de la lumière. Durant leurs travaux, ils ont identifié un nouveau mécanisme adaptatif de la rétine au cours du vieillissement qui permet aux individus plus âgés de rester sensibles à la lumière. Ces résultats présentent par ailleurs un intérêt clinique en incitant les personnes plus âgées à s’exposer davantage à la lumière du jour, plutôt qu’à la lumière artificielle, afin d’éviter de développer des troubles du sommeil. Ils sont publiés dans la revue Journal of Pineal Research.
Presque toutes les fonctions biologiques sont soumises au rythme circadien, un cycle d’une durée de 24 heures. La sécrétion de la mélatonine, l’hormone de la nuit, est typiquement circadienne. Sa production augmente en fin de journée peu avant le coucher, contribuant à l’endormissement, et chute avant l’éveil.
De précédentes études ont montré que la sécrétion de cette hormone par le cerveau est bloquée par la lumière, à laquelle elle est très sensible. Cette sensibilité à la lumière peut se traduire par une désynchronisation de l’horloge circadienne, pouvant entraîner l’apparition de troubles du sommeil.
D’autres études ont par ailleurs dévoilé le rôle important, dans le contrôle de la production de mélatonine, de la mélanopsine, un photorécepteur présent dans certaines cellules de la rétine qui, très sensible à la lumière (essentiellement à la lumière bleue), permet de réguler le réflexe pupillaire et le rythme circadien. Ainsi, lors d’une exposition à la lumière, la mélanopsine devient moteur de la suppression de mélatonine et de la synchronisation de l’horloge biologique.
Si les troubles du sommeil chez l’adulte sont fréquents, ils augmentent avec l’âge :
près d’un tiers des personnes de plus de 65 ans consomme des somnifères de manière chronique. Pourtant, aucune étude ne s’était intéressée spécifiquement au mécanisme biologique à l’œuvre dans les troubles du sommeil liés à l’âge. S’agit-il d’une conséquence d’un problème de perception de la lumière ? Si oui, à quel niveau ? Et quel est le rôle de la mélanopsine dans ce cas précis ?
Une équipe au Centre de recherche en neurosciences de Lyon a tenté d’élucider ce mystère. Les scientifiques ont observé chez un groupe d’adultes les effets de la lumière sur la sécrétion de mélatonine. Tous les participants ont été exposés à 9 lumières de différentes couleurs (correspondant à 9 longueurs d’ondes très précises) pour permettre aux scientifiques d’identifier les mécanismes en cause par le biais des photorécepteurs concernés.
Les participants de l’étude ont été divisés en deux groupes distincts : un groupe à la moyenne d’âge de 25 ans, un autre à la moyenne d’âge de 59 ans. Cette expérience a été réalisée au milieu de la nuit, au moment où l’organisme libère normalement le plus de mélatonine.
Les résultats indiquent que, parmi les lumières testées, la lumière bleue (longueur d’onde aux environs de 480 nm) est très efficace pour supprimer la production de la mélatonine chez les personnes les plus jeunes. Plus spécifiquement, les scientifiques ont observé que chez les jeunes sujets exposés à la lumière bleue, la mélanopsine était le seul photorécepteur moteur de la suppression de la mélatonine. À l’inverse, chez les participants plus âgés, d’autres photorécepteurs que la mélanopsine semblent être impliqués, comme les cônes S et M, des photorécepteurs qui permettent la perception du monde en couleur, et qui sont situés dans la rétine externe.
Ces données suggèrent que le vieillissement s’accompagne d’une diminution de l’implication de la mélanopsine dans la perception visuelle, mais que la rétine parvient à compenser cette perte par une augmentation de la sensibilité d’autres photorécepteurs qui n’étaient jusqu’alors pas connus pour être impliqués dans la suppression de la mélatonine.
Ces observations permettent aux scientifiques de conclure que la perception de la lumière – et les besoins en lumière des individus – évoluent avec l’âge. En effet, tandis que les personnes les plus jeunes, dont seul le récepteur mélanopsine est impliqué, peuvent se contenter d’une exposition à la lumière bleue pour synchroniser leur horloge circadienne sur une journée de 24 heures, les personnes plus âgées ont besoin d’être exposées à une lumière plus riche en longueurs d’onde (couleurs), une lumière dont les caractéristiques sont celles de la lumière du soleil.
« Il s’agit de la découverte d’un nouveau mécanisme adaptatif de la rétine au cours du vieillissement – permettant au sujet âgé de rester sensible à la lumière malgré le brunissement du cristallin. Ces résultats présentent par ailleurs un intérêt clinique, encourageant les personnes plus âgées à s’exposer davantage à la lumière du jour, plus riche en longueurs d’ondes, plutôt qu’à la lumière artificielle, afin d’éviter de développer des troubles du sommeil et d’autres altérations telles que des troubles de l’humeur ou du métabolisme… Enfin, ils offrent de nouvelles perspectives pour personnaliser de façon optimale les photothérapies/luminothérapies destinées au soin des personnes plus âgées », explique Claude Gronfier, chercheur à l’Inserm et dernier auteur de l’étude.
En lien avec ce dernier aspect, l’équipe de recherche s’intéresse désormais à la quantité et à la qualité de lumière nécessaires à chaque individu, et au meilleur moment de s’exposer à la lumière durant la journée, pour éviter qu’il ou elle ne développe des troubles du sommeil et de la santé en général. Les travaux de recherche sont réalisés à la fois chez le sujet sain (enfant et adulte), chez le travailleur de jour et de nuit, et chez le patient (troubles du sommeil et des rythmes biologiques, maladies génétiques, troubles de l’humeur, neurodégénérescences).
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