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La chimie douce à l’écoute de la matière

Séparer les métaux précieux grâce au CO2, afin de les recycler, c’est le défi qu’a relevé Julien Leclaire, chercheur à l’Institut de Chimie et Biochimie Moléculaires et Supramoléculaires - ICBMS (Université Claude Bernard Lyon 1 / CNRS / INSA Lyon / CPE Lyon). Titulaire d’une chaire du LabEx iMUST et en cours de dépôt de brevet avec Pulsalys, il est l’unique chercheur en France à développer ce procédé.

Quand le métal choisit sa matrice

Les outils technologiques que nous consommons comme les smartphones, tablettes, ainsi que les constituant-clefs des technologies vertes (ampoules basse consommation, éoliennes, véhicules électriques) sont composés de métaux tels que les terres rares. Or, comme toute ressource naturelle, leurs gisements ne sont pas inépuisables alors que les e-déchets issus de leur consommation s’accumulent. De plus, la Chine détient 98 % de la production mondiale de terres rares, soit un quasi-monopole du marché, dont les exportations sont soumises à des quotas.

C’est dans ce contexte que Julien Leclaire a mis au point un procédé de purification des molécules précieuses au sein de mélanges complexes. En mélangeant des briques moléculaires très simples et du dioxyde de carbone, un matériau se forme spontanément et temporairement en présence des métaux. L’originalité vient du fait que chaque métal, en présence de CO2, est capable d’optimiser le réseau qui l’entoure par complémentarité. Comme un château de carte moléculaire, ce matériau formé de dioxyde de carbone peut relarguer les métaux en se dissociant dès lors que l’on retire le constituant gazeux.

Ce procédé, soutenu par l’Agence Nationale de la Recherche, fait aussi l’objet d’un brevet avec la société Pulsalys en vue d’une maturation technologique. L’objectif est de tester cette invention en flux continu sur les déchets technologiques et de répondre aux besoins des industriels. D’autres partenaires sont positionnés afin de créer une start-up en interaction avec l’industrie minière.

 

Un procédé vert

Autre aspect de ce procédé : c’est un procédé « vert » qui utilise du CO2 , qui lui-même est un déchet. Il est donc peu coûteux en matière première, peu énergivore, et tout y est recyclé. Il permet de valoriser le CO2 avant son éventuelle transformation : « En couplant deux déchets, on redonne ainsi du dynamisme à une filière en difficulté en injectant de la valeur ajoutée, celle des terres rares. Avec deux mélanges sales, on peut obtenir deux composés purifiés à la sortie », nous explique Julien Leclaire.

 

Une découverte applicable à d’autres champs

Ce procédé innovant est également utile pour l’industrie pharmaceutique car la stratégie de moulage moléculaire peut être employée comme outil de contrôle qualité des biomédicaments, notamment pour les thérapies anticancéreuses. L’opération de purification appliquée à l’issue de la production en milieu cellulaire consiste à trier les protéines à l’aide du moule préalablement construit selon ce même principe de puzzle. Il s’agit donc d’une technologie qui permettrait de raccourcir un circuit actuellement long et coûteux et d’apporter des outils de contrôle qualité qui répondent à un réel besoin. Ce projet de développement d’outils innovants est porté par un consortium d’une vingtaine d’acteurs, publics et privés afin de couvrir toute la chaine de production de biomédicaments.


Le LabEx iMust 
(Laboratoire d’Excellence) est un laboratoire interdisciplinaire au sein de l’Université de Lyon. Créé en 2010, il regroupe un consortium de trois fédérations de recherche en physique, chimie et ingénierie. L’objectif du LabEx est de créer une synergie entre ces trois disciplines principales pour renforcer la dynamique de recherche et d’innovation en sciences de la matière, des matériaux et des technologies éco-responsables.


Publié le 25 août 2016 Mis à jour le 6 octobre 2016